A Florence, en 1519, chez Laurent de Médicis.
Voix de Jean Martin (Sacha Guitry, le conteur):
- ...la petite Catherine n'eut pas un accueil aussi chaleureux de la part de son père. Il ne faut pas lui en tenir rigueur, à mon avis, car Laurent de Médicis était à toute extrémité lorsqu'on vint lui annoncer la naissance de sa fille. Et même, on n'eût pas le temps de lui apprendre la mort de sa femme. Si bien que tout porte à croire qu'il fut agréablement surpris de la trouver dans l'autre monde en y arrivant.
A Rome - chez le Pape Clément VII.
On lui apporte un bébé.
Voix de Jean Martin. - Donc, orpheline à sa naissance, on vint l'offrir au Pape Clément VII, son oncle, qui ordonna qu'elle fût élevée dans un couvent.
Clément VII. - Oh ! Meravigliosa creatura ! Splendore divino ! È un angelo che il cielo ci manda sulla terra! (Il chatouille le menton du bébé avec une plume et rit. A son camérier:) Che sia educata in un convento! E voglia Dio che toccata dalla grazia divina possa trascorrerci tutta la vita! (Oh! Merveilleuse créature! Splendeur divine! C'est un ange que le ciel m'envoie sur la terre! Qu'elle soit élevée dans un couvent. Et que Dieu veuille que, touchée par la grâce divine, elle y passe sa vie entière.)
Voix de Jean Martin.- Trois peintres de génie faisaient en ce temps-là trois durables chefs-d'oeuvre et rendaient immortels deux monarques puissants. Jean Clouet commençait le portrait du Roi François Ier, tandis que Hans Holbein achevait le portrait d'Henry VIII d'Angleterre. Cependant qu'à Venise, le Titien travaillait à cet autre portrait du Roi François de France, qui nous paraît plus ressemblant que le premier. Cette oeuvre magnifique, il avait pourtant dû la faire dans des conditions surprenantes...
A Fontainebleau. Le Roi François Ier pose pour Clouet.
François Ier. - Clouet ! est-ce que vous savez comment sont les jambes de mon cousin le Roi d'Angleterre Henry VIII?
Clouet. - Non, je l'ignore, Majesté !
Au même moment, en Angleterre, Hans Holbein termine le portrait du Roi Henry VIII.
Henry VIII.- Our brother of France is no ill-favoured man but we deem his legs not to be handsome as our own. (Notre frère de France n'est pas un homme laid, mais nous estimons que ses jambes sont moins belles que les nôtres.)
A Fontainebleau.
François Ier. - Il est convaincu qu'elles sont plus belles que le miennes.
J'en doute fort, bien qu'il soit un assez bel homme. (Le Roi
se déplace en parlant) Or, savez-vous que cette question, qui devrait être secondaire, est le point de départ d'une rivalité qui retarde sans cesse une alliance difficile à conclure - et pourtant souhaitable - entre l'Angleterre et la France. Vous travaillez, Clouet?
Clouet. - Oui, Sire, je travaille.
François Ier.- Vous me donnez l'impression de quelqu'un qui reste immobile, figé devant son travail.
Clouet. - Immobile, Seigneur ! Si Votre Majesté pouvait l'être un peu plus, je le serais bien moins.
François Ier - Seriez-vous jaloux du Titien ?
Clouet. - Du Titien ?
François Ier. - Qui fait en ce moment mon portrait
à Venise...
Clouet. - A Venise ?
François Ier. - Oui, je lui ai fait parvenir une médaille ressemblante et le plus somptueux de mes costumes par le Cardinale de Lorraine, qui est, en outre, chargé de lui indiquer la couleur exacte de mes yeux.
Entre un enfant d'environ huit ans.
François Ier. - C'est vous, mon fils ? Approchez et venez là, sur mes genoux. Quel âge avez-vous maintenant?
Le Dauphin. - Je vais avoir bientôt huit, Monsieur mon père.
François Ier. - Déjà huit ans... il est grand temps qu'on vous marie... Ah ! si vous épousiez la fille d'Henry VIII, ce mariage arrondirait bien des angles anglais...
En Angleterre, chez le Roi Henry VIII. Une petite fille vient d'entrer.
Henry VIII. - Ah! My sweet little daughter! It is time we seek a husband for you and we perceive you Queen of France. (Ah! ma petite fille aimée ! Il est temps qu'on te marie. Et je te vois Reine de France.)
A Fontainebleau.
François Ier à son fils. - Mais je forme un projet qui me
tente bien davantage et, sans tarder, je vais offrir votre main à la nièce de Clément VII, Catherine de Médicis. Vous êtes nés le même jour. Elle grandit dans un couvent et je suis convaincu qu'elle a cette douceur de caractère qu'elle avait son exquise maman...
Vision fugitive du couvent italien où vit Catherine de Médicis. Elle est entrain de se battre avec ses petites camarades.
François Ier. - Clouet, voulez-vous me faire un plaisir ? En quelques traits,
rapidement, faites-moi le portrait du Dauphin, afin que je l'adresse au Pape
et qu'il voit de la sorte combien mon fils ferait un gentil mari pour sa nièce. (A son fils :) Asseyez-vous, Monsieur, prenez ma place et restez là, bien de profil, bien immobile et surtout ne faites pas de grimaces. (A Clouet, qui commence à peindre le Dauphin sur une toute petite toile :) Clouet, que le portrait soit minuscule, un médaillon. Moi, je n'ai pas très bien réussi son menton. Vous avez plus de talent que moi, Clouet! Faites-le moins fuyant, à votre idée...
Un peu plus tard, à Fontainebleau.
François Ier écrit et lit en même temps à haute voix :
- «Si Votre Sainteté veut bien me l'accorder, je viens solliciter pour le Dauphin de France...»
Au Vatican. Le Pape lit la lettre de François Ier.
Clément VII. - «...la main de Catherine. Je vois dans cette union des garanties de paix durable et de bonheur. Votre fils très pieux, François.» (A son camérier :) Ringrazio l'altissimo della gioia che ha voluto darmi - presto - due uomini fidati, discreti e coraggiosi: mio nipote Ippolito e quel suo amico, il giovane Spanelli! (Je remercie le Très Haut de la joie qu'il a bien voulu me donner - vite - deux hommes dévoués, discrets et courageux: mon neveu Hippolyte et son ami, le jeune Spanelli!)
Clément VII, regardant le portrait du Dauphin de France, exécuté par Clouet.
Clément VII. - Il Delfino è incantevole. Il profilo purissimo e un mento squisitamente modellato. (C'est le Dauphin, il est charmant. Le profil est très pur et le menton modelé d'une façon exquise.) (...)