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Extraits des dialogues du film DONNE-MOI TES YEUX
François Bressolles (Sacha Guitry) est dans son cabinet. Il souffre des yeux, sa vue s'affaiblit. La veille, dans un cabaret il
a adressé un mot à une chanteuse, Gilda (Mona Goya). La fille lui rend visite.
- J'ai tort de venir ?
- Du tout. Puisque vous êtes venue, venez...
- Je ne vous dérange pas ?
- Pas le moins du monde.
- Oui, mais enfin, vous ne m'attendiez tout de même pas.
- En vérité, je m'attendais à recevoir un coup de téléphone de vous.
- Eh bien figurez-vous, Monsieur, que cela avait d'abord été mon intention... Oui, car j'avais hâte de vous dire merci pour
cette carte, qui m'a fait un plaisir ! Que vous ne soupçonnez pas!
- Tant mieux.
- Et puisqu'on se dit tout, je vous avouerai franchement que si ma lingère n'habitait pas à cinquante mètres
de chez vous, je ne me serai pas permis de venir sonner à votre porte, seulement... ça faisait coïncidence, vous comprenez?
- Oui, vous avez fait d'une pierre deux coups.
- Exactement.
- Voilà, comme vous alliez chez votre lingère...
- Non.
- Non ?
- Non, c'est plutôt parce que je venais chez vous que je vais en profiter pour aller voir ma lingère en sortant d'ici. C'est
amusant, n'est-ce pas, de dire la vérité ? Surtout quand elle n'a rien de blessant. Oui, je préférais vous le dire dans les yeux
: c'est adorable, Monsieur, ce que vous m'avez écrit sur cette carte !
- Mon Dieu, c'est bien peu de chose.
- Peu de chose ! Ah ! eh bien si vous saviez !
- Si je savais quoi ? Vous m'intriguez.
- Quelques minutes avant mon tour de chant, hier au soir, savez-vous ce que le patron de la boîte me dit, pour me taquiner? Il me dit : si tu étais une vraie artiste, tu plairais aux artistes. Ah! J'encaisse ! Je vais chanter la rage au coeur! Cinq
minutes plus tard je sors de scène et qu'est-ce qu'on me passe ? Votre carte ! Alors je lui fais signe de venir et je lui fous le
nez ded... enfin, vous comprenez ce que je veux dire ?
- Oui, très bien, oui.
- Eh bien, Monsieur, ça l'a tellement épaté qu'il m'a réengagée pour un mois, illico ! Alors, ne me dites pas que c'est peu
de choses, votre carte.
- Je suis ravi d'avoir une telle influence. Et vous savez que ce que je vous ai écrit, je le pense...
- Oui...
- Vous êtes très bien. Mais moi, je ne suis pas très bien. Je voudrais me trouver plus près de vous...
- Oui...
- Permettez.
- Alors, vous êtes vraiment sculpteur ?
- Eh oui, vraiment.
- Eh bien, c'était si drôle, je me suis demandé si ce n'était pas un prétexte.
- Un prétexte ?
- Oui, pour que je vienne chez vous...
François met sa main en visière sur ses yeux.
- Oh... Et vous êtes venue ?
- Vous me le reprochez ?
- Non, mais je m'en étonne.
- Vous pourriez vous en flatter, car je savais comment vous étiez
- Oh, vous êtes courageuse.
- Un homme ne me fait pas peur.
- Comment l'entendez-vous ?
- D'une façon comme de l'autre : qu'il me plaise ou qu'il me déplaise. S'il me déplaît, je sais me défendre, et s'il me
plaît... je sais me donner.
- Alors, avec moi, vous sauriez vous défendre ?
- Oh, vous allez à la pêche !
- Combien me donnez-vous ?
- Pour faire l'amour ?
Ils rient ensemble
- Non, comme âge.
- Vous avez l'air d'avoir quarante ans... depuis une dizaine d'années.
François met sa main sur ses yeux
- Je vous ai fait de la peine ?
- Non, mais vous aviez raison : c'était un prétexte.
- La carte ?
- Oui... mais... pas celui que vous croyez.
Il prend à tâtons derrière lui la photo de Catherine, il la montre brièvement à la jeune femme.
- Ah, c'était pour agacer quelqu'un ?
- Ah, mieux que ça !
- Oh non ! Oh non, non, non, non, non ! Je n'aime pas ces histoires-là, moi ! Je n'aime pas que l'on se serve de moi pour
faire quelque chose de mal !
- Et qui vous dit que je fais quelque chose de mal ?
- Parce que vous avez un drôle de regard en ce moment. (...)