LE COMÉDIEN

              


Production : Union Cinématographique Lyonnaise.
Scénario et dialogues : Sacha Guitry, adapté de la pièce Le Comédien.
Mise en scène : Sacha Guitry.
Chef opérateur : Nicolas Toporkoff
Décors : René Renoux
Son : René Louge. - Musiques : Louis Beydts.

Interprètes:
Sacha Guitry, Lana Marconi, Maurice Teynac, Pauline Carton, Yvonne Hébert, André Brunot, Robert Seller, Marguerite Pierry, Jacques Baumer, Léon Belières, José Noguero, Simone Paris, Ludmilla Pitoëff, Jeanne Véniat, Madeleine Suffel.

Durée: 92 mn. Sortie: 19 mai 1948 au cinéma Colisée - Paris.

L'histoire :
La vie du grand comédien Lucien Guitry racontée par son fils. Depuis son enfance jusqu'à sa fin, sur scène, le soir de la répétition générale de L'amour masqué, une opérette de Sacha... A travers une évocation des souvenirs de Sacha à propos de son père et de la pièce Le comédien, le film est aussi une réflexion sur la grandeur et la servitude du métier d'auteur.

Extraits des dialogues du film.



Quelques réflexions de l'auteur:
L'idée que je ressemblais à mon père m'avait beaucoup frappé, et le désir que j'avais de lui ressembler davantage me conduisit tout naturellement au désir de faire plus tard la même chose que lui. Mais que faisait-il ?
Je le regardais vivre avec étonnement.
Qu'avait-il de plus que les autres ?
Ce qu'il avait de plus, c'était vingt ans de moins. C'était un tout jeune homme - et je viens seulement m'en rendre compte en y pensant.
Mais pourquoi me semblait-il si différent des autres ? Qu'avait-il donc de si précieux en lui ?
Son avenir.
Sacha Guitry, Si j'ai bonne mémoire, Plon, 1934.

J'ai fait Lucien Guitry parce que Lucien Guitry m'a fait. J'ai profité d'une ressemblance qui s'accentue de jour en jour. Ce film ne sera ni une démonstration, ni, à plus forte raison, la preuve - impossible ! - de son merveilleux talent. Mais peut-être sera-ce une réponse à cette question que l'on se pose toujours relativement aux grand hommes que l'on n'a pas connus : "Comment était-il ?". Oui, peut-être dira-t-on : "Voilà comment était Lucien Guitry - qui vécut et mourut pour son art"..
Cinémonde, 1947.

Dans cet ouvrage , vous le savez, j'interprète le personnage de mon père, et je joue aussi le rôle épisodique de l'auteur de Pasteur. Ce qui revient à dire que je joue à la fois mon propre personnage et celui de mon père. Or, lorsque je me suis vu à l'écran, je me suis aperçu que, sans l'avoir prémédité, j'avais fait de l'un de ces deux personnages un rôle de composition. Mais ce n'est pas celui que l'on pourrait penser. Pour être mon père en effet, je suis resté tel que je suis, puisque je le représente à l'âge que j'ai précisément ; tandis que pour être moi-même, il y a une trentaine d'années, imaginez, Monsieur, quel effort j'ai dû faire !
Sacha Guitry, Cinévie, 1948.

Critiques anciennes et récentes :
Ce film de Sacha Guitry est un hommage à son père, le grand comédien Lucien Guitry. Il ne s'agit pas là à proprement parler d'une biographie, mais d'une série d'anecdotes romancés et présentés avec beaucoup d'esprit par l'auteur du Roman d'un tricheur, qui interprète le rôle principal. La réalisation est bonne, mais sans grands effets. Tout réside dans le brillant esprit des dialogues. Le film est commenté, presque de bout en bout, par l'auteur, selon sa méthode habituelle. Les images filmées par Toporkoff défilent. Les scènes s'enchaînent habilement. L'ensemble est très plaisant. C'est du Sacha Guitry. Ses collaborateurs techniques, dont Jeanne Etièvant l'ont souvent beaucoup aidé à son travail de mise en scène du film. Tous les acteurs à ses côtés "jouent". C'est un jeu théâtral mais le résultat est bon. Regrettons cependant que la différence d'âge entre Lucien Guitry et Sacha Guitry, dans une même scène soit si peu sensible.
La Cinématographie Française, 1948.

...Voir que Sacha Guitry, pour sa rentrée cinématographique, a entrepris de raconter la vie de son père et, avant de franchir à mon tour cette porte sur les pas de Marguerite Pierry, je suis un peu émue : quel image du grand Lucien Guitry va m'offrir son fils ? Eh bien ! J'avoue, l'émotion se meut en déception. Même dans cette interprétation filiale, il est, il demeure Sacha avant tout. Ce n'est pas à une évocation qu'il se livre, mais à une annexion, ce n'est pas Lucien qu'il raconte, mais Sacha...
Odile Cambier, Opéra, 1947.

Une fois encore, nous sommes amenés à nous interroger sur la valeur profonde de cette oeuvre. A travers une anecdote sentimentale simpliste, ce film ne peut prétendre traiter d'une manière vraiment exhaustive le cas social et psychologique de l'acteur en général. Reste donc le cas particulier de Lucien. Entreprise considérablement risquée pour un fils, que de tracer l'exact portrait de son propre père en prenant pour prétexte une pièce dont il fut le créateur (mais qui ne reflète pas réellement son existence) et en se bornant à y ajouter quelques brefs rappels historiques ! La réussite n'est pas évidente. Interprété par Sacha avec un humour distant, le personnage, qui s'annonce comme le reflet aussi fidèle que possible (et quasiment photographique) de Lucien Guitry, apparaît ici plus superficiel que léger - et sa supériorité perpétuelle, assez agaçante avouons-le, est plus proche de la vanité que de l'orgueil. Son talent... reste celui de Sacha, qui n'a tenté (heureusement) aucune imitation. Mais, si incomplète soit-elle, cette évocation permet de rappeler au public oublieux et ingrat ce que pouvait être l'un des plus grands comédiens du siècle, sur lequel on ne possède aucun autre document "animé".(...)
Jacques Lorcey - Sacha Guitry, PAC, 1985.